Les concertos de Brahms par Hélène GrimaudEXCLUSIF – Quelques jours avant la parution de son nouveau roman, Retour à Salem, la pianiste aixoise fait son retour au disque chez Deutsche Grammophon, avec un enregistrement événement consacré aux concertos n°1 et 2 de Johannes Brahms. Une musique "tempétueuse". Une œuvre "aux complications rythmiques infinies, aux soubresauts complexes entre accords massifs et grands écartement." C'est en ces termes que la pianiste vedette Hélène Grimaud définit le second concerto de Brahms, dans les premières pages de son dernier roman, Retour à Salem. La partition l'a tellement accompagnée au fil de ces dernières années, entre questionnement métaphysique et lutte sourde contre un monde impétueux qui lui semblait outrepasser sa propre condition féminine, qu'elle en a fait le point de départ de son récit. Telle est Hélène Grimaud. Une interprète au premier sens du terme, pour qui chaque projet discographique doit être le fruit d'une réflexion personnelle. Qui ne sait s'exprimer avec justesse à travers la musique, que si celle-ci entre en résonance avec son propre vécu. L'exercice a ses limites. Pour emporter l'auditeur dans un univers intérieur qui ne lui appartient pas, il faut, comme elle le dit si bien, "instaurer un contexte d'émotion partagée avec le public." Son dernier opus, dédié aux deux concertos de Brahms, s'inscrit dans cette démarche. Le choix du compositeur n'est pas un pur hasard. Brahms l'accompagne depuis ses débuts. Son premier disque chez Erato, en 1996, lui était déjà dédié. Hélène y était alors seule en scène, face aux opus 116. à 119. Premier choc musical: un jeu d'une intensité peu commune, mais un toucher subtil et lumineux. Depuis, cette solitude à deux avec le compositeur s'est muée en histoire de famille. En 1998, premier enregistrement du concerto n°1, avec la Staatskapelle de Dresde dirigée par Kurt Sanderling. La gravure fera bientôt référence. Sous ses doigts, l'oeuvre-signature d'un musicien de vingt-et-un ans touche "au drame des années de jeunesse." Le cheminement jusqu'au concerto n°2, aux accents testamentaires, sera autrement plus long et plus complexe. Après l'avoir abordé deux fois en concert, elle attendra près de cinq années avant d'oser l'enregistrer. Nous sommes en 2012 lorsqu'elle s'embarque dans cette aventure épique aux côtés du Philharmonique de Vienne et du chef Andris Nelsons. Dès la cadence du premier mouvement (introduite par les trois phrases ensorcelantes du cor), sa profondeur de jeu et son sens instinctif du rubato font mouche. Le flot d'accords et d'arpèges ne semble pas avancer au hasard mais tend vers une seule et même direction, conduisant au hiératique scherzo qui fit le succès de l'oeuvre. L'andante, de nature plus méditative, devient le théâtre d'un dialogue heureux avec le violoncelle, qui n'est pas sans rappeler le délicieux équilibre de la première sonate pour violoncelle, enregistrée par Grimaud sur son dernier album ( Duo) avec Sol Gabetta. L'opus 83 est naturellement le sommet du disque. Mais la pianiste aixoise ne pouvait envisager de le séparer du premier concerto. Ce dernier, enregistré avec l'orchestre de la radio bavaroise – toujours sous la direction d'Andris Nelsons – complète idéalement ce disque qui s'annonce superlatif.